Nous agrégeons les sources d’informations financières spécifiques Régionales et Internationales. Info Générale, Economique, Marchés Forex-Comodities- Actions-Obligataires-Taux, Vieille règlementaire etc.
Profitez d'une expérience simplifiée
Retrouvez toute l'information économique et financière sur notre application Orishas Direct à Télécharger sur Play StoreLa Chine ambitionne d'être le premier grand pays à émettre une monnaie numérique souveraine. Les tests commencent à grande échelle dans ce pays où le paiement mobile est déjà populaire. Le mois dernier, dans 10.000 boutiques de la ville de Suzhou, à l'ouest de Shanghai, des clients ont pu payer en e-yuan.
Pas de quoi bousculer le quotidien de Zhao Shuai. Derrière son stand de patates douces et de marrons chauds, ce commerçant de Suzhou, à l'est de la Chine, prête à peine attention à la nouvelle enseigne posée devant sa caisse. « Renminbi numérique », est-il écrit en caractère chinois, au-dessus du sigle « e-CNY ». Zhao Shuai ne voit pas bien l'intérêt, mais qu'importe : « Tant qu'il y a du business, nous accueillons toutes sortes de devises ! » s'amuse le vendeur, davantage préoccupé par ses marrons au feu.
Dans 10.000 boutiques et échoppes de Suzhou, les clients ont pu, du 11 au 27 décembre, payer avec une nouvelle monnaie : le renminbi numérique, du nom officiel de la devise chinoise, également désigné « yuan numérique ». Dans cette ville à l'ouest de Shanghai, la Chine vient d'achever un test à grande échelle, étape importante pour le géant asiatique dont l'ambition est d'être le premier grand pays à émettre une monnaie numérique souveraine.
La Chine a été battue par les Bahamas, où la monnaie numérique circule depuis octobre, mais fait la course en tête des grandes banques centrales de la planète. Selon une enquête menée en 2019 par la Banque des règlements internationaux (BRI) auprès de 66 banques centrales, 80 % d'entre elles travaillent sur le sujet de la monnaie numérique, mais 10 % seulement ont développé un projet pilote. Le Covid-19 et l'utilisation croissante des paiements dématérialisés ont convaincu la Banque centrale européenne (BCE) d'accélérer ses travaux sur le sujet. Mais la BCE reste prudente et décidera à la mi-2021 s'il est pertinent d'aller plus loin. « Notre rôle est d'assurer la confiance dans la monnaie, explique Christine Lagarde, présidente de la BCE, dans un rapport publié en octobre sur le sujet. Cela signifie être certain que l'euro sera adapté à l'ère du numérique. »
Après six années de travaux préparatoires, la Banque populaire de Chine (PBoC) n'a, elle, plus l'ombre d'un doute. Pékin présente le yuan numérique comme une solution simple et sécurisée qui facilitera les paiements du quotidien dans un contexte de dématérialisation rapide des transactions. L'arrivée des cryptomonnaies incontrôlées, comme le bitcoin, a constitué une première alerte pour Pékin, qui les considère comme des produits spéculatifs et favorisant les activités illégales. Aussitôt après, l'annonce spectaculaire duprojet Libra du géant américain Facebook a fini de convaincre Pékin d'agir vite, craignant une fuite des capitaux qui menacerait sa monnaie officielle.
La Chine a levé le voile sur son système de paiement en monnaie numérique (DCEP) à l'été 2019 puis considérablement accéléré la cadence. Les premiers pilotes ont démarré en avril auprès d'un nombre limité de fonctionnaires dans quatre villes (Shenzhen, Chengdu, Suzhou et Xiong'an, une ville nouvelle au sud de Pékin). Puis, en octobre, un premier test à grande échelle a débuté à Shenzhen, capitale de la high-tech chinoise où se situe le siège de Huawei.
Les JO en ligne de mire
Le nouveau pilote effectué à Suzhou, ville de 10 millions d'habitants, est d'une ampleur inédite : 20 millions de yuans (2,5 millions d'euros, le double de Shenzhen) ont été distribués aux résidents via une loterie organisée sur l'application mobile de la ville. Concrètement, 100.000 enveloppes rouges numériques (un don traditionnel d'argent) contenant chacune 200 yuans ont été distribuées le 11 décembre, à la veille d'une journée de soldes. Pékin n'a donné aucun calendrier officiel de lancement de sa monnaie digitale, mais l'objectif de la Chine est d'être prête pour les Jeux Olympiques d'hiver de Pékin en février 2022.
Devant le stand de patates douces, Zhou, trente ans, fait partie des gagnants de la loterie. « Sur les quatre membres de ma famille à avoir joué, nous sommes deux à avoir gagné », explique-t-elle. Pour activer son enveloppe rouge de 200 yuans, elle a simplement téléchargé l'application officielle du renminbi numérique sans avoir à la relier à son compte bancaire. Le système de paiement s'ouvre alors sur un portrait de Mao Tsé-toung en filigrane, identique à celui figurant sur les billets de banque. Pour acheter des marrons grillés à sa fille, Zhou clique une fois pour générer un QR Code. Elle le présente au vendeur qui le scanne. « Bip ! ». La transaction est effectuée.
D'une simplicité extrême, l'opération n'impressionne pourtant absolument personne. Et pour cause. Si la monnaie est nouvelle, le geste est familier en Chine. Zhou a, depuis longtemps, pris l'habitude de payer avec son smartphone. « Je ne me souviens même plus à quand remonte la dernière fois que j'ai payé en espèces », s'exclame-t-elle. Devant la caisse de M. Zhao, le sigle « e-CNY » a rejoint les logo Alipay et WeChat Pay, ultrapopulaires en Chine. A elles deux, les applications d'Alibaba et de Tencent réalisent plus de 90 % des paiements mobiles en Chine. Dans ce qui était le pays du cash il y a moins de dix ans, les QR Codes sont partout, permettant de payer le modeste vendeur de rue jusqu'à ses factures ou son passe de métro. Dans les grandes métropoles chinoises, plus de 90 % des habitants utilisent WeChat Pay ou Alipay comme principal moyen de paiement, largement avant les espèces et les cartes bancaires.
Le paiement mobile déjà dans les moeurs
Pékin estime que l'utilisation déjà massive du paiement mobile et l'expérience des fintechs accéléreront l'introduction de sa monnaie numérique souveraine. Concrètement, le système prévu par la Chine se fait à deux niveaux : la banque centrale émet une monnaie numérique (présentant les mêmes caractéristiques que la monnaie physique) qui est ensuite distribuée au public par l'intermédiaire des banques commerciales chargées d'ouvrir et de gérer les portefeuilles. Le rôle de cette e-monnaie est essentiellement d'assurer les paiements de détail, ce qui limite son impact sur le système financier. Le choix technologique sous-jacent n'est pas encore clair : la banque centrale chinoise est réservée sur l'utilisation des technologies blockchain, aujourd'hui trop lentes pour supporter un grand nombre de transactions simultanées. Les autorités ont fixé un impératif : le système doit pouvoir traiter jusqu'à 300.000 transactions par seconde !
WeChat et Alipay trop puissants ?
Tout en voulant accompagner la société vers la fin du numéraire, le gouvernement chinois cherche aussi à ne pas laisser le champ libre aux seuls acteurs privés. La puissance des applis WeChat et Alipay suscite des inquiétudes au sein du gouvernement chinois, qui entend réduire l‘influence croissante des géants privés de la tech. Pour tenter de se démarquer, les responsables du projet du yuan digital insistent sur la sécurité et la simplicité des transactions qui peuvent se faire sans connexion Internet, par simple mise en contact entre deux téléphones, rendant possible son utilisation dans les provinces les plus reculées du pays. Ils assurent aussi que l'e-yuan pourrait aider ceux qui n'ont pas accès aux services bancaires traditionnels. « Le positionnement du renminbi numérique vis-à-vis des autres plateformes n'est pas encore clair, estime Chen Wen, directeur du Centre d'études sur l'économie numérique, à Chengdu. Il pourrait être davantage positionné pour combler le marché plutôt que pour concurrencer les systèmes existants : si l'utilisation des espèces en Chine diminue, celles-ci sont encore relativement importantes en valeur. »
Un autre argument mis en avant par les promoteurs de la monnaie numérique souveraine est la lutte contre la corruption, le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. La banque centrale aurait de fait un accès à l'historique de toutes les transactions, lui permettant d'avoir un contrôle sans précédent sur les flux financiers en temps réel. « La banque centrale pourrait ainsi reprendre la main sur WeChat et Alipay en matière de contrôle des données collectées », avance un expert à Pékin. Avec un yuan numérique, traçable et contrôlé au sommet, Pékin pourrait savoir quand, où et pourquoi les gens dépensent leur argent. Si la monnaie numérique chinoise n'est pas la seule à devoir affronter cette problématique, le yuan électronique est potentiellement une nouvelle brique dans l'appareil de surveillance développé par le régime autoritaire chinois.
Un outil de contrôle
De quoi inquiéter les citoyens chinois ? « Les gens ordinaires comme moi n'ont pas à s'inquiéter du traçage de leurs dépenses, mais les plus riches ont davantage de souci à se faire », veut croire une caissière d'un centre commercial. Li, ingénieur de trente-cinq ans, est, lui, davantage préoccupé : « Cela se rajoute à une collecte excessive d'informations », indique-t-il.
Avec sa monnaie numérique souveraine, la Chine caresse aussi un objectif de plus long terme : briser le monopole du dollar et accroître l'influence du yuan sur la scène internationale. En dépit des ambitions affichées, cette internationalisation de la monnaie chinoise se fait attendre : le yuan ne pèse que 2 % dans les règlements internationaux. La version numérique permettra-t-elle de faire mieux ? « Le yuan numérique ne donnera qu'un petit coup de pouce à l'internationalisation de la monnaie, pointe Maximilian Kärnfelt, analyste à l'institut Merics, dans une note récente. La numérisation de la devise ne compense pas les défauts du yuan physique. » Restriction d'accès des étrangers aux investissements libellés en yuans, contrôle des sorties de capitaux, etc., de nombreuses politiques chinoises brident l'internationalisation du yuan.
Sur le front intérieur aussi, la monnaie digitale doit encore surmonter des obstacles pour s'installer dans la vie quotidienne des Chinois. Faire de l'ombre aux plateformes WeChat Pay et Alipay, dont le paiement n'est qu'un service parmi d'autres, ne sera pas aisé. « Il y a beaucoup plus de fonctions et de promotions disponibles sur WeChat et Alipay, observe Li. L'application e-renminbi paraît un peu démodée. » Pour le test de Suzhou, le seul service additionnel proposé était de pouvoir régler son adhésion au Parti communiste en cliquant sur un onglet marqué du marteau et de la faucille ! La plupart des clients interrogés à Suzhou sont tellement habitués à utiliser WeChat et Alipay qu'ils ne voient pas bien l'intérêt d'une solution de paiement supplémentaire. Pour l'heure, les enveloppes rouges ont permis d'attirer du monde vers le yuan numérique. Au 27 décembre, date de la fin du test à Suzhou, 95 % des enveloppes avaient été dépensées dans les boutiques référencées ainsi que sur le site d'e-commerce JD.com. Mais il faudra trouver autre chose que les dons d'argent pour réussir le lancement à grande échelle de la monnaie numérique souveraine chinoise.
Vous devez être membre pour ajouter un commentaire.
Vous êtes déjà membre ?
Connectez-vous
Pas encore membre ?
Devenez membre gratuitement
12/09/2025 - Economie/Forex
10/09/2025 - Economie/Forex
08/09/2025 - Economie/Forex
08/09/2025 - Economie/Forex
08/09/2025 - Economie/Forex
08/09/2025 - Economie/Forex
08/09/2025 - Economie/Forex
05/09/2025 - Economie/Forex
04/09/2025 - Economie/Forex
12/09/2025 - Economie/Forex
10/09/2025 - Economie/Forex
08/09/2025 - Economie/Forex