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Retrouvez toute l'information économique et financière sur notre application Orishas Direct à Télécharger sur Play StoreDes employés viennent d’alerter les gouverneurs de la Banque sur des comportements « contraires à
l’éthique » et des traitements de faveur au sein de l’institution panafricaine.
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Une enquête interne, sensible et gênante, suit son cours à la Banque africaine de développement (BAD). En
toute discrétion car elle vise son président, le nigérian Akinwumi Adesina. A la tête, depuis 2015, de la
première institution de financement du développement d’Afrique, ce brillant économiste et ancien ministre de
l’agriculture du Nigeria (2011-2015) se retrouve accusé par une frange du personnel de favoritisme au profit
de proches compatriotes et de comportements « contraires à l’éthique ». Les soupçons portent également
sur des cas de « violation du code de conduite » et d’« entrave à l’efficacité (…) affectant la confiance dans
l’intégrité » de la Banque.
A l’origine de cette affaire embarrassante, il y a « un groupe de membres du personnel préoccupés » par des
pratiques jugées douteuses qu’ils ont recensées avec minutie, dans l’ombre, pour éviter, disent-ils, une «
crise institutionnelle ». Soucieux de préserver leur anonymat, ces employés se sont mués en lanceurs
d’alerte, comme le permet le code de conduite de la BAD. Le 19 janvier, ils ont déposé plainte et transmis au
département de l’intégrité et de la lutte contre la corruption de la Banque un document de onze pages
détaillant seize cas d’abus présumés, impliquant parfois directement le président Adesina. Des allégations
actuellement « examinées par le conseil des gouverneurs de la BAD », précise le directeur du département
des services juridiques, Godfred Awa Eddy Penn, qui s’interdit tout commentaire.
Depuis, ces lanceurs d’alerte déplorent des entraves à l’enquête mais aussi « des tentatives faites pour
découvrir nos identités », écrivent-ils dans une lettre adressée en ce début de mois d’avril, cette fois
directement aux gouverneurs de la BAD, représentant les 54 pays membres africains et les 26 pays non
régionaux (dont la France). « Des membres du personnel proches du président [Adesina] se sont efforcés de
saboter toutes les tentatives du comité d’éthique de remplir ses fonctions », soulignent les lanceurs d’alerte
dans cette dernière missive. Ce dernier n’a pas souhaité réagir.
« Nigérianiser » la BAD
Dans cette note consultée par Le Monde Afrique, les lanceurs d’alerte commencent par pointer des «
traitements de faveur » accordés à des ressortissants du Nigeria, première puissance économique d’Afrique
et principal actionnaire de la BAD depuis sa création en 1964. « Alors qu’environ 9 % des nouvelles recrues
étaient des Nigérians (ou des binationaux d’origine nigériane), ils représentent environ 25 % des postes de
direction nouvellement recrutés », écrivent-ils. Ce qui donne un certain écho aux critiques formulées ces
dernières années par des gouverneurs de la BAD mais aussi par certains chefs d’Etat du continent.
Fin 2019, le président tchadien, Idriss Déby, avait écrit à M. Adesina pour exprimer son agacement à ce
sujet. L’Ethiopie avait aussi rappelé disposer de candidats pour des postes à responsabilité. « Adesina n’a
pas caché sa volonté de “nigérianiser” la BAD en confiant à des compatriotes les postes-clés, mais aussi en
accordant plus facilement des lignes de crédit à des entreprises nigérianes de premier plan », dit un ancien
cadre proche du président. Un autre dénonce un faux procès : « Proportionnellement à ses parts de capital,
le Nigeria [9,33 %] est sous-représenté parmi le personnel de la BAD. A l’inverse, la France [3,7 %] compte
de nombreux salariés. »
Des proches du président Adesina ont été désignés à des fonctions stratégiques au sein de cette institution
établie à Abidjan qui gère notamment de l’argent public des contribuables africains. Mais ces nominations
font fi des règles strictes de recrutement, insistent les lanceurs d’alerte. Ces derniers citent le cas d’un ami de
M. Adesina nommé à un poste de direction, pourtant encore occupé par son prédécesseur. Ce qui contraignit
la BAD brièvement à régler deux salaires. Un autre, ami d’enfance cette fois, s’est vu octroyer, en 2017, un
contrat de 326 000 dollars (environ 300 000 euros) pour sa société de communication nigériane, avant d’être
lui-même recruté à la BAD quelques mois plus tard. Pourtant, lors d’un audit interne de l’institution, le contrat
avait été signalé comme relevant potentiellement d’un « conflit d’intérêt ».
Vague de départs
Plus récemment, une juriste nigériane réputée pour ses compétences et son entregent fut propulsée fin 2019
à la tête du forum d’investissement qu’organise la BAD. Or cette ancienne dirigeante de la Commission
nationale des pensions au Nigeria, avait été limogée deux ans plus tôt par le président Muhammadu Buhari.
Elle est depuis visée par des enquêtes des autorités de son pays pour de présumés détournements de fonds
publics. « M. Adesina ne pouvait pas ignorer sa situation [judiciaire] lorsqu’il l’a recrutée », écrivent les
lanceurs d’alerte dans leur note. Interrogée à ce sujet, la BAD n’a pas souhaité réagir.
Un proche conseiller d’Adesina reconnaît, sous couvert d’anonymat, une forme de « gouvernance verticale
parfois perçue comme autoritaire », avant de rappeler que le président « a la liberté politique de choisir des
hommes et des femmes en qui il a confiance. C’est comme ça partout ». A 60 ans, M. Adesina va briguer un
second mandat cette année et compte bien rester le tout-puissant patron de la BAD qu’il a dynamisée à sa
façon, en attirant notamment des capitaux privés. Dans un secteur du développement particulièrement
concurrentiel et politique, l’institution reste un acteur incontournable dont le capital passera de 93 à 208
milliards de dollars d’ici à dix ans. « Cette augmentation de capital est sans précédent et Adesina est sans
doute le meilleur promoteur que la Banque n’ait jamais eu », explique un diplomate occidental.
Sauf qu’en interne l’ambitieux président de la BAD jouit d’une réputation plus nuancée et sa gouvernance est
particulièrement contestée. Volontiers « show off », un brin autoritaire dans sa manière de diriger, le patron
se montre indifférent aux critiques et à la grogne de ses employés. Il n’a guère semblé s’émouvoir de la
récente vague de départs volontaires de certains des meilleurs techniciens de la BAD, las de sa
gouvernance et des lubies de sa « cour ». « Pour avoir un bon poste, ce n’est plus les compétences qui
priment, mais la proximité avec Adesina et ses lieutenants. C’est la triste réalité, confie un ancien cadre. Or
c’est une institution qui gère de l’argent public. »
Mélange des genres
Sur le plan international, M. Adesina est une personnalité reconnue et appréciée, lauréat du Prix Sunhak de
la paix 2019, deux après avoir reçu le World Food Prize. Sauf que les 750 000 dollars perçus pour ces deux
prix n’ont, selon les lanceurs d’alerte, jamais été reversés dans les caisses de la BAD qui a pourtant réglé les
déplacements de sa délégation pour assister aux cérémonies, aux Etats-Unis et en Corée du Sud. Même
mélange des genres autour de sa biographie, parue en 2019 : la BAD paie l’auteur chargé du portrait
élogieux du président Adesina qui en conserve les droits à titre privé.
Il n’aime rien tant que parler de sa « vision » pour l’agriculture, du développement du continent africain. Plus
discrètement, il fait de la politique inhérente à sa fonction. « Il a décomplexé les réserves politiques d’usage
et donne l’impression de renvoyer l’ascenseur à ceux qui l’ont porté au pouvoir », observe un ancien cadre,
déçu par le président Adesina.
Très proche du chef d’Etat ivoirien Alassane Ouattara, qui l’avait soutenu lors de sa première candidature et
a annoncé qu’il l’appuierait à nouveau, le président de la BAD à l’éternel nœud papillon s’affiche volontiers
avec les responsables politiques de son pays, le Nigeria. Il s’y rend fréquemment, se mettant en scène avec
le chef d’Etat, Muhammadu Buhari, ou avec son vice-président Yemi Osinbajo.
« Traitement de faveur »
D’après les lanceurs d’alerte, les Nigérians ne sont toutefois pas les seuls à bénéficier de « traitements de
faveur ». Dans leur document, ils pointent du doigt d’autres recrutements et démissions de hauts cadres
intervenus ces dernières années dans des circonstances douteuses. Et les cas sont, là aussi, légion. Ainsi,
en 2016, le tout fraîchement nommé directeur des ressources humaines signe un contrat avec une entreprise
de recrutement kényane dans laquelle il aurait des parts.
Alors qu’un audit interne est demandé pour faire la lumière sur cette affaire, le président Adesina aurait, selon
les lanceurs d’alerte, permis à son collaborateur de démissionner et de jouir d’une « importante indemnité de
départ ». Cette même année 2016, un cadre zambien a « attribué frauduleusement », selon un autre audit et
une enquête interne, deux contrats d’un montant de 18 millions de dollars à des sociétés russe et américaine.
Il a été promu en octobre 2019. « Un cas d’impunité qui laisse perplexe », notent les lanceurs d’alerte. A les
lire, ces pratiques n’ont pas vraiment cessé. En janvier 2020, le bureau de l’éthique de la BAD a une nouvelle cheffe nommée grâce à de « petits arrangements entre amis », en dépit de ses erreurs passées. Elle avait
accusé son prédécesseur de harcèlement mais sa plainte s’est avérée fausse et « malveillante », selon une
enquête interne.
« Le président nomme comme cheffe de l’éthique une personne coupable d’un comportement gravement
contraire à l’éthique », constate les lanceurs d’alerte qui se disent mobilisés pour « empêcher la fraude, la
corruption ou la mauvaise conduite (…) pour rétablir la confiance dans l’efficacité de la gouvernance de la
Banque ». La direction de la BAD assure que ces faits, pour la plupart démontrés par des enquêtes internes
passées, sont actuellement « examinés ».
Lundi 6 avril, au lendemain de la publication de cet article, Akinwumi Adesina, président de la BAD, a réagi
dans un communiqué. Il se dit « convaincu » que les enquêtes internes concluront à des « allégations
fallacieuses » et annonce que « bientôt, la vérité éclatera au grand jour ». Contactée lors de cette enquête, la
BAD n’a pas souhaité réagir ni faire de commentaires sur des procédures en cours.
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